Lequel d'entre nous ne s'est pas, après une dure journée de travail, délassé au son d'un bon CD de musique; quel plaisir de rythmer son samedi soir ou son week-end d'un concert live relevé, d'une exposition d'artistes talentueux, d'un spectacle original...
Nous avons tous eu à rêver, ou à passer un moment inoubliable, grâce au talent d'un artiste, qu'il soit d'içi ou d'aillers.
Mais vous êtes-vous jamais demandé quelle pouvait être la journée type d'un artiste içi aux Antilles?
Et bien, c'est loin d'être "L'Amour au soleil"...Le musicien Kali ne disait-il pas depuis longtemps "la vi artis' rèd!". Moi je rajouterais "Béliya pou yô avan yô mô".
Car la journée type d'un artiste aux Antilles, qu'il soit danseur, plasticien, peintre, acteur, chanteur, musicien, sculpteur, écrivain...de surcroît professionnel (c'est à dire non payée par le TPG ou un Patron le 30 du mois tapante), oui la journée type professionnel est un souffrance, une véritable "guerre au soleil".
Oui, Mesdames, Messieurs, c'est bel et bien le prix à payer pour ces moments de rêve qu'ils nous offrent: c'est une souffrance en silence, une agonie haletante, une absence douloureuse de reconnaissance.
Toutes ces oeuvres magnifiques, ces spectacles envolés, ces pièces de théatre si profondes, ces musiques incroyables, ces sculptures extraordinaires, sont le fruit d'un accouchement quotidien dans la douleur.
Et pourquoi donc me diront certains pourquoi plus içi qu'ailleurs, me diront d'autres?
Parce que notre société en a décidé ainsi.
Parce qu'une île de 1000km2, le "petit commerce entre amis" exclut ceux qui ne font pas partie de certains cercles.
Parce que peu de gens ont le courage de dénoncer des décisions qui se prennent par un petit nombre, choisissant ceux et celles qui auront droit de cité.
Parce que d'autres ont peur de perdre la petite subvention promise en petit cercles restreint. Moi je dis non!
Non, aux "réseauteurs", aux acheteurs de conscience, aux verrouilleurs de liberté!
Non parce que je vois au quotidien certains artistes libres dépérir.
Non, parce que je veux crier Beliya pou yô, avan yô mô.
Non parce qu'ils ont un réel talent qui explose bien au delà de nos frontières, mais que nous ne voulons pas voir, soutenir, et faire grandir.
Non parce que ces artistes sont vivants, et attendent notre reconnaissance pour tout ce rêve qu'ils nous donnent.
Non, parce que je ne veux pas, en tant que femme d'artiste professionnel recevoir des hommages posthumes.
Mesdames, Messieurs les décideurs, les politiques, les mécènes, les amateurs d'art, ces artistes ont besoin de vous, de leur vivant.
Aidez-les donc à rester des esprits libres, des créateurs de rêve.
Sinon, au nom de cette liberté, ils s'éteindront d'une mort lente, ou ils iront ailleurs vers des contrées plus reconnaissantes.
Texte écrit par Myriam ROTIN...Béliya ba fanm' tala, ki doubout' , pass fok en fanm doubout' pou palé kon sa!